Le dialogue intergénérationnel : clé de la pérennité et de la transmission des cabinets d’avocats
Comment assurer la continuité et la transmission d’une structure construite au fil des ans, des décennies, alors que les fondateurs approchent de la retraite et que les jeunes générations aspirent à d’autres équilibres de vie et de travail ? Comment se comprendre et s’accepter les uns et les autres ?
Entre avocats « boomers », porteurs d’un modèle fondé sur le travail à plus d’heures, la rigueur, la fidélité et la croissance progressive et les jeunes générations de collaborateurs ou associés, en quête de sens, de participation, d’innovation et de reconnaissance, le dialogue intergénérationnel n’est pas une option : il est vital.
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Comprendre les logiques générationnelles
Les avocats fondateurs ont souvent bâti leur cabinet dans un contexte de forte autonomie et de croissance économique. Leur relation au travail est marquée par l’endurance, la loyauté et le long terme.
Les nouvelles générations, formées dans un environnement concurrentiel et digitalisé, recherchent avant tout la cohérence, l’efficience, le collaboratif, l’impact et la transparence.
Cette différence n’est pas un conflit de valeurs mais un décalage de temporalité et de culture professionnelle.
Le premier pas vers un dialogue fructueux consiste à reconnaître et à valoriser ces différences.
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Soigner la pyramide des âges : un enjeu stratégique
De trop nombreux cabinets présentent aujourd’hui une pyramide des âges déséquilibrée, avec un cœur historique de seniors expérimentés (trop souvent encore au masculin) et peu de relais intermédiaires.
Ce déséquilibre freine la transmission, la croissance et même la motivation interne. Il ne faut pas oublier que les clients et autres interlocuteurs (particulièrement en entreprise) sont eux aussi à des postes de responsabilité de plus en plus jeunes et vont rechercher des conseils de leur génération).
Pour y remédier :
- Cartographier les âges et les compétences au sein du cabinet pour anticiper les départs et les besoins à moyen terme ;
- Favoriser l’association progressive de collaborateurs clés ;
- Encourager la montée en responsabilité (animation d’équipe, gestion de dossiers complexes, développement client) ;
- Mettre en place des binômes intergénérationnels, permettant un transfert de savoirs et de savoir-faire ;
- Repenser le modèle économique pour ouvrir des perspectives d’intéressement et d’association réalistes.
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Fidéliser les équipes : la culture du projet partagé
La fidélisation ne se décrète pas, elle se construit autour d’un projet collectif clair. Le plus souvent, les jeunes avocats ne quittent pas un cabinet pour aller ailleurs : ils partent lorsqu’ils ne comprennent plus où ils vont, la raison d’être partie prenante du projet du cabinet.
Les leviers de fidélisation sont connus, mais encore trop peu appliqués :
- Donner de la visibilité sur les perspectives d’évolution ;
- Instaurer une gouvernance ouverte où chacun peut s’exprimer et être entendu ;
- Développer une culture du feedback et de la reconnaissance ;
- Valoriser la formation, la mobilité interne et l’innovation ;
- Et, surtout, incarner une vision : celle d’un cabinet qui forme, transmet et grandit collectivement.
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Transmettre autrement : de la succession à la continuité
Transmettre un cabinet ne consiste pas seulement à céder un fonds libéral ou des parts sociales. C’est transmettre un projet, une culture, une réputation et une équipe.
La réussite d’une transmission repose sur trois ingrédients :
- L’anticipation – penser la relève 5 à 10 ans avant le départ effectif ;
- Le partage de gouvernance – ouvrir progressivement les décisions aux plus jeunes ;
- L’accompagnement – un passage de relais organisé, lors duquel le fondateur devient mentor plutôt que cédant.
La pérennité des cabinets d’avocats ne dépend pas seulement de leurs résultats ou de leurs clients mais de leur capacité à organiser la coexistence harmonieuse de plusieurs générations, à créer une véritable marque dans laquelle tous les associés se reconnaitront.
L’avenir appartient à ceux qui sauront faire dialoguer l’expérience et l’énergie, la transmission et la transformation. Créer les conditions de ce dialogue, c’est assurer la continuité du projet collectif et la fidélité de ceux qui le font vivre.
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Article rédigé par Michel Lehrer – Associé Gérant de JuriManagement